Quoi de plus beau de vivre dans un monde fait de choses transparentes ? L'Art, la musique, l'écriture, la littérature, le cinéma, la photographie sont là pour éclairer l'avenir, alors profitons en et vivons pleinement notre vie !

*Sauf mention contraire, les photos et les textes sont de moi, merci de respecter les droits d'auteur et de ne pas les voler.*

vendredi 6 juillet 2012

Le goût du train


Je me suis dit que dans le train, il fallait toujours écrire. Comme ça c'est plus facile pour la pensée, quand le paysage défile par la vitre défraîchie et que les anges passent à toute allure devant nos yeux. Nos oreilles sont transportées par du rap qui vrille à l'intérieur de nous et le simple fait d'écrire dans le train est toujours bien, ça bouscule le papier qui percute des mots pas droits et ça permet de ne pas penser. Ne pas penser signifie être bien, la tête désencombrée de toutes pensées toxiques qui nous rappellent le pessimisme de la vie. Alors pour oublier cet encombrement de l'esprit, on écrit, on se sent mieux après, on passe le temps inutilisé à l'écriture de mots qui n'ont pas d'importance. Je me suis promis d'écrire à chaque fois que je prend le train, un peu, et comme ça à la fin, peut-être, j'aurais un carnet de train. Combien de fois les gens voyagent-ils dans leur vie ?
Il n'y a pas beaucoup de monde dans le train. Je dis par là qu'il y a des gens, mais avec des sièges vides dont celui qui se trouve à mes côtés. Les gens partent en vacances et le monde tourne au ralenti, chapeaux, shorts, lunettes de soleil et enfants qui braillent dans tous les sens, le monde est terrifiant. Heureusement, il y a L'Impossible, ce petit journal indépendant, qui parle de littérature et de politique, et d'autres choses aussi, où même Christian Bobin publie un petit texte parlant d'un merle au bec orange. Le monde est incroyable. On y croise des génies. Tiens, par exemple, cette personne, un adulte, qui m'a dit que j'allais devenir un grand écrivain, sans même me connaître, sans même savoir les mots que j'écris. Il regarde, il sourit, il est éberlué je pense. On y croise parfois des anges dans ce vaste monde - faute de mieux. Christian Bobin, dans la fraîcheur pâle de ses mots, m'a écrit. Enfin, il a répondu à ma lettre, parfumée d'admiration. Il m'a écrit et ses mots sont venus une semaine plus tard, posés à la va vite sur deux feuilles de papier A4 non recto verso, des grosses lettres qui prennent toute la place, une écriture imposante et noire, noirs les mots écrits au gros feutre noir, la couleur je veux dire. La petite fille penche sa tête par dessus le dossier du siège. Je ne l'ai pas vu me regarder, je lève la tête, je croise ses grands yeux de petite fille, je lui sourit, la mère rouspète, des mots que je n'entend pas, faute de quoi j'ai de la musique dans les oreilles. Quelqu'un parle dans le micro, la voix annonce les correspondances puis elle nous remercie de notre attention. La petite fille, dans le silence berçant du train, lance un grand "d'accord" dans son âge d'insouciance. Quelques personnes rigolent, je sourit. La vie est pathétique. La vie est drôle parfois. Il vaut mieux, il est bon qu'il y est de la fraîcheur, sinon on meurt, c'est aussi simple que ça.
Prendre le train est nécessaire. On s'y assoit, sur l'un de ses sièges bleus confortables situés en deuxième classe, et on attend. C'est aussi simple que ça. La nécessité de prendre le train est importante. C'est un temps qu'on ne peut trouver nul part ailleurs. Un temps nécessaire à la survie des êtres, car notre existence, à ce moment là, s'est ralenti. Alors chacun vit ce temps cloîtré pour une durée indéterminée, de manières différentes mais pourtant pas si individuelles. Tout le monde lit dans le train, écoute de la musique, dort ou regarde par la fenêtre sans rien faire. Tout le monde, un jour ou l'autre, à déjà mangé dans le train ou rouspété à vive voix ou intérieurement face à une personne quelconque qui parle fort. Tout le monde, un jour ou l'autre, à déjà éprouvé la satisfaction que personne ne réside sur le siège à nos côtés. Pourtant, vivre dans le train a quelque chose de personnel. Être face à nous même est une épreuve individuelle. Mais est-ce que tout le monde a déjà écrit dans le train ? Les écrivains, sûrement, sur papier ou face à leur écran d'ordinateur qui ne bouge pas d'un poil, lui.
Je dois être folle. Les gens doivent se demander ce que j'ai à écrire frénétiquement, sur du papier en plus, pas moderne celle-là...
Les gens lisent, dorment en pétant et pètent en dormant mais dans le train, ils n'écrivent pas. A-t-on déjà vu des personnes courbées sur leur feuilles, balançant toutes leur tripes frénétiquement sans aucune tenue, la bave coulant de leur lèvres, pris d'impulsions face à l'inspiration. Les gens qui écrivent sont fous. On peut donc dire que tous les écrivains sont fous. La vie est comme ça, triste à en mourir et remplie de fous furieux.
J'aime prendre le train. Atténuer ces heures qui passent au même rythme que l'engin dans lequel je suis.
Cette euphorie du train, malgré mon habitude de ses transports à rails, ne s'effiloche toujours pas.