Quoi de plus beau de vivre dans un monde fait de choses transparentes ? L'Art, la musique, l'écriture, la littérature, le cinéma, la photographie sont là pour éclairer l'avenir, alors profitons en et vivons pleinement notre vie !

*Sauf mention contraire, les photos et les textes sont de moi, merci de respecter les droits d'auteur et de ne pas les voler.*

samedi 26 mai 2012

vendredi 25 mai 2012

La tristesse des anges

 Couverture La tristesse des anges de Jon Kalman Stefansson


"Maintenant, il ferait bon dormir jusqu'à ce que les rêves deviennent un ciel, un ciel calme et sans vent où quelques plumes d'ange virevoltent doucement, où il n'y a rien que la félicité de celui qui vit dans l'ignorance de soi. Mais le sommeil fuit les défunts. Lorsque nous fermons nos yeux fixes, ce sont les souvenirs qui nous sollicitent à sa place. Ils arrivent d'abord isolés, parfois d'une beauté argentée, mais ne tardent pas à se muer en une averse de neige étouffante et sombre : il en va ainsi depuis plus de soixante-dix ans. Le temps passe, les gens meurent, le corps s'enfonce dans l'humus et nous n'en savons pas plus. D'ailleurs, il n'y a ici que bien peu de ciel, les montagnes nous l'enlèvent, et les tempêtes, amplifiées par ces mêmes sommets, sont aussi noires que la fin de toute chose. Parfois pourtant, quand le ciel s'éclaircit après l'un de ces déchaînements, il nous semble apercevoir une traînée blanche dans le sillage des anges, loin au-dessus des nuages et des cimes, au-dessus des fautes et des baisers des hommes, une traînée blanche, telle la promesse d'un immense bonheur. Cet espoir nous emplit d'une joie enfantine et notre optimiste englouti de longue date se réveille un peu, mais il creuse également le désespoir, l'absolu désespoir. C'est ainsi, une lumière intense engendre des ombres profondes, une grande joie recèle en elle, quelque part, un grand malheur et le bonheur de l'homme semble condamné à se tenir à la pointe d'un couteau. La vie est assez simple, ce que l'homme n'est pas, ce que nous nommons les énigmes de l'existence ne sont que les enchevêtrements et les forêts impénétrables qui nous habitent. La mort détient les réponses, est-il écrit quelque part, et elle libère l'antique sagesse des enchantements qui l'emprisonnent : c'est évidemment là une parfaite ineptie. Ce que nous savons, ce que nous avons appris, nous ne le tenons pas de la mort, mais du poème, du désespoir et, enfin, des souvenirs lumineux tout autant que des grandes trahisons. Nous ne détenons nulle sagesse, pourtant ce qui vacille au fond de nous la remplace et a peut-être plus de valeur. Nous avons parcouru une longue route, plus longue que quiconque avant nous, nos yeux sont telles des gouttes de pluie : emplis de ciel, d'air limpide et de néant. Vous ne courez donc aucun risque en nous écoutant. Mais si vous oubliez de vivre, vous finirez comme nous, cette cohorte égarée entre la vie et la mort. Si morte, si froide, si morte. Quelque part, loin à l'intérieur des contrées de l'esprit, au creux de cette conscience qui confère à l'humain sa grandeur et sa malignité, se cache une lumière qui vacille et refuse de s'éteindre, refuse de céder face au poids des ténèbres et de la mort qui étouffe. Cette lumière nous nourrit autant qu'elle nous torture, elle nous enjoint à continuer au lieu de nous allonger comme un animal privé de parole pour attendre ce qui, peut-être, ne viendra jamais. La lumière scintille et nous continuons. Nos mouvements sont sans doute incertains, hésitants, mais leur but est clair - il s'agit de sauver le monde. De vous sauver, vous, en même temps que nous-mêmes, avec ces histoires, ces lambeaux de poèmes et de rêves depuis longtemps éteints au fond de l'oublie. Nous sommes à bord d'une barque à rames vermoulue et, avec nos filets moisis, nous attraperons les étoiles."


Jon Kalman Stefansson

Que dire des fleurs qui ne peuvent pousser que sur un bout de papier ?



dimanche 13 mai 2012

Au confins du réel


Maintenant il ferait bon de dormir pour que les rêves tissent des montagnes qui s'élèvent jusqu'au delà du ciel, là où les anges ne font rien d'autre que d'écouter les nuages. On se rendra compte bien plus tard que les rêves sont trompeurs, qu'ils dévoilent une virginité écarlate se brisant dès le réveil, là où le réel s'expose à nos yeux égarés de fatigue. Alors nous vivons pour que l'éternité des rêves ne puisse pas mourir dans un fracas de glace, transformée en bloc de pierre. Alors nous plongeons à l'arrière du réel, là où les rêves sont tapissés comme des plumes d'anges se confondant dans la pureté de la neige. Nous nous perdons dans l'eau limpide du savoir, les lignes de mots s'étendant à l'infinie sur les écorces d'arbres devenues papier. Nous lisons. Nous nous abreuvons des mots qui provoquent un égarement de l'âme, un oubli du réel : c'est le derrière qui montre ses couleurs, le rêve translucide. L'égarement s'appelle autrement. C'est l'imagination, telle qu'elle est dans les cœurs des hommes, qui ne peut s'enfuir, jamais, sous aucun prétexte. L'imagination emprisonne les hommes et n'en oublie aucun, des êtres sages jusqu'aux plus répugnants, des vieillards comme des enfants. Elle est en accord avec l'âme et le cœur, trois choses universelles pour l'être humain, essentielles à l'homme comme les ailes d'anges qui ne peuvent tomber, mais qui échouent, indubitablement, quand les anges meurent. La vie n'est pas éternelle. Cessez de croire que même les anges peuvent vaincre la mort. La vie des anges est comme toute vie : une simple mortelle.
L'âme, le cœur et l'imagination font parti de tout homme. Peu de ceux qui vivent savent percevoir qu'il a en lui plus qu'il ne croit. Celui qui perçoit cette chance s'appelle un sage ou un ange.
Il faudra bien qu'un jour nous nous réveillions afin que nous sachions si les rêves ne sont pas réels. Nous n'en savons rien. Nous ne voulons pas savoir. Alors pour laissez cette ignorance vagabonder au confins du flou, nous continuerons à dormir pour que la réalité ne nous atteigne pas, les rêves restant imprécis, flous et plein d'espérance. La brume nébuleuse ne nous réveillerait pas. Elle resterait dans nos esprit comme un flou vague et douillet. Exactement comme des plumes d'anges. Celles-ci mourront ensuite, et cela, ce sont les étoiles filantes qui nous le transmet.
A chaque étoile qui tombe dans le ciel, quelque part un ange meurt. Faites un vœux et peut-être un ange guérira dans l'univers. Vous pouvez sauver une âme quelque part dans ce monde.
Vous avez un pouvoir. Vous pouvez vivre. Si vous ne vivez pas, vous laisserez les anges mourir et toutes choses alors seraient impossible à réparer. Peut-être que la beauté écarlate de la neige ne vous fait aucun effet. Pensez aux rêves. Ils empêchent de sombrer dans la brume de la mort.
Les livres guériront le monde de leur lettres d'or, et tout ira pour le mieux, la mort ne sera plus qu'une pensée vague et imprécise, et nous continueront à vivre comme au temps des anges, où ceux-ci n'avaient pas perdu leur grandes ailes colorées, aussi douces que la neige se confondant avec le temps. Les anges ne doivent pas mourir, jamais. Ils sont trop empreints de virginité pour s'éteindre, la pureté est trop présente sur leur corps d'enfants délaissés. Ils ne connaissent ni le mal ni la colère. Les anges sont l'innocence suprême de ce monde. Pourtant ils finissent par mourir, comme toutes choses. La vie n'est pas éternelle et ne le sera jamais. Alors il faut attendre. Il faut vivre pour que les étoiles continuent à briller dans les âmes universelles. C'est comme ça qu'on ne perd pas le nord, c'est comme ça que continueront à survivre les anges. Grâce aux âmes. Grâce aux cœurs. Grâce à l'imagination, aux rêves et à la vie. Toutes ses choses sont indispensables à l'existence, à tout êtres humains qui peuplent ce monde aussi pauvre soit-il, mais quand le monde tombera nous ne serons plus que du vide dans le vaste univers. Du néant réduit en poussière. Du rien, salissant l'absence de vie.
Alors seulement, nous pourrons rejoindre les anges aux ailes brisés par la vie. L'au-delà n'est pas quelque chose de réel. Il existe quand bien même la vie se détache de nous en quête d'horizons différents. Alors, nous ne sommes plus rien. Qu'une âme parmi tant d'autres suivie des anges qui se tiennent à nos côtés, flottant dans les airs, dépourvus de leur ailes colorés qui font d'eux des anges. Maintenant, ils n'ont plus que l'apparence de poupée en porcelaine habillée de blanc. Le nom d'ange les a quittés, ils ne sont plus rien.
La tristesse des anges a envahi le monde et celui-ci a éclaté, provoquant la mort tout autour de lui, le vide, le néant. Voilà comment nous mourons pour allez rejoindre les anges et leur tristesse enfoui dans leur innocence.
Quand aux rêves, ils continueront éternellement leur course folle.

(Inspiré de La tristesse des anges de Jon Kalman Stefansson)