Quoi de plus beau de vivre dans un monde fait de choses transparentes ? L'Art, la musique, l'écriture, la littérature, le cinéma, la photographie sont là pour éclairer l'avenir, alors profitons en et vivons pleinement notre vie !

*Sauf mention contraire, les photos et les textes sont de moi, merci de respecter les droits d'auteur et de ne pas les voler.*

vendredi 6 janvier 2012

Le garçon sans nom.


C'est un jeune homme quelconque, portant sur ses épaules le poids d'un âge à la jeunesse débridé. Peut-être dix-huit ans, peut-être dix-sept ans, peut-être dix-neuf. C'est un jeune homme que personne ne connaît. Il est debout adossé à l'arrêt d'un bus usé par la pluie. Il attend. Il ne bouge pas. Il s'appelle personne. On ne connaît pas son prénom. On ne connaît rien de ce garçon, seulement ce qu'il laisse entrevoir dans le dehors du monde : sa beauté étoilée. C'est tout l'univers qui s'écroule quand on le regarde. Ce jeune homme à l'être caché dans son âme à un pouvoir qu'il ne soupçonne peut-être pas : il a la capacité de figer l'âme d'une jeune fille qui n'ose plus le regarder au risque d'être figé tout entière comme un bloc de marbre. Le jeune homme ne s'en doute peut-être pas, il regarde le néant de l'air, mais quand la jeune fille ose un regard plein d'étoile sur son visage illuminé, le garçon la regarde, trop tard pour apercevoir les yeux de la jeune fille qui sont partis ailleurs, aussi vite que la lumière. Sa tête s'est figé dans le temps, direction les étoiles où le bus devrait arriver de part le monde. Elle court, stressée par la vie, parcourant tous les bus à celui qui l'amènera là où son âme le désire. Elle ne regarde pas le jeune homme quand elle monte dans le bus. Ni même un signe. Ni même un regard.

L'être à part.


"Dieu, c'est le nom de quelqu'un qui a des milliers de noms. Il s'appelle silence, aurore, personne, lilas, et des tas d'autres noms, mais ce n'est pas possible de les dire tous, une vie entière n'y suffirait pas et c'est pour aller plus vite qu'on a inventé un nom comme celui-là, Dieu, un nom pour dire tous les noms, un nom pour dire quelqu'un qui est partout, sauf dans les églises, les mairies, les écoles et tout ce qui ressemble, de près ou de loin, à une maison. Car Dieu est dehors, tout le temps, par n'importe quel temps, même l'hiver, et il s'endort dans la neige et la neige pour lui se fait douce, elle ne lui donne que sa blancheur avec quelques étoiles piquées dessus, elle garde pour elle la brûlure du froid. Dieu n'a pas de maison, il n'en a pas besoin et d'ailleurs lorsqu'il voit une maison, il ouvre les portes, déchire les murs, brûle les fenêtres et c'est tout qui entre avec lui, le jour, la nuit, le rouge, le noir, tout et dans n'importe quel ordre, et alors, et alors seulement, les maisons deviennent supportables, alors seulement on peut les habiter, puisqu'il y a tout dedans, le soleil, la lune, la vie très folle, la douceur très grande de la folie, les yeux pervenche de la folie. Et Dieu repart ailleurs, toujours ailleurs : à force de traîner les chemins, de s'endormir partout, dans les sources, dans les fougères, dans le nid des mésanges ou dans les yeux des tout-petits, Dieu a une drôle d'allure, vraiment. Lorsqu'il n'ouvre pas toutes grandes les portes, Dieu ne fait rien. Ce serait là son métier : ne rien faire. C'est un métier très difficile, il y a très peu de gens qui sauraient bien le faire, qui sauraient ne rien faire. Dieu, lui, fait cela très bien. De temps en temps, pour se reposer, il s'arrête de ne rien faire : alors il fait des bouquets ; il cueille toutes les lumières du monde, même celles des orages et des encriers, il en fait des bouquets mais ne sait à qui les offrir. Ou bien il met un coquillage tout contre son oreille et il écoute des musiques, toutes les musiques du monde, longtemps il écoute et c'est comme un flocon dedans son cœur, un tourment d'écume, le premier âge de la mer, l'immensité de la mer dedans son cœur et Dieu se met à rire et Dieu se met à pleurer, parce que rire ou pleurer, pour Dieu c'est pareil, parce que Dieu est un peu fou, un peu bizarre. Et si on lui demande ce qu'il a, il dit qu'il ne sait pas, qu'il ne sait rien, qu'il a tout oublié le long des chemins et qu'il a perdu la tête, perdu son ombre, qu'il ne sait plus son nom. Et puis il rit, et puis il pleure, et il s'en va, et il s'en vient, et c'est le jour, puis c'est la nuit, et puis voilà, c'est toujours comme ça, toujours, chaque jour."

Christian Bobin

lundi 2 janvier 2012

Recette pour mourir.

Les Noces funèbres - Tim Burton

J'aime mourir. C'est toujours drôle. Il faut choisir le bon endroit, le bon moment, la bonne heure et enfin la bonne saison. Il vaut mieux l'hiver, en hiver, c'est glauque, il fait froid et les arbres ont l'apparence de cadavres. L'hiver est parfait pour mourir. L'endroit c'est à Paris, au Père Lachaise, c'est toujours l'endroit idéal pour mourir il me semble. Et puis c'est un cimetière. Quand il fait très froid et quand c'est l'hiver, c'est parfait. Il manquerait juste un peu de brume mais je suis capricieux, j'en demande déjà trop. Le bon moment est en fin de journée vers 18 heures quand le soleil commence tout juste à se coucher l'hiver, la lumière devient belle dans le lointain et pour mourir, c'est l'idéal. Il faut toujours avoir bien froid si on veut réussir son coup, le froid est mortel, tue tout sur son passage. C'est l'idéal. Il faut être la bonne personne et puis faire le travail sois-même car si quelqu'un d'autre nous tue à notre place, ce n'est jamais drôle. Il faut faire ça bien, toujours seul et de nos propres mains. La bonne personne, il faut qu'elle soit maigre, avec un corps squelettique, grand et fin, et une démarche particulière. Si tu as un grand manteau noir comme les pédophiles cela devrait bien se faire. Surtout, je dis bien SURTOUT, habile toi exclusivement qu'en noir. Une autre couleur attirerait les regards, surtout si c'est l'hiver, qu'il est 18 heures et que l'endroit est un cimetière. Le Père Lachaise est toujours bien pour mourir. C'est un bon ami, ne l'oublie pas. Il faut aussi que tu es la peau aussi pâle qu'un bébé congelé. Avec le froid qui court, ceci n'est pas bien difficile. Il faut que tu grelotes, que tu portes une grande écharpe noir avec ton grand manteau noir. Si tu as chaud sous une température qui s'approche des -0, c'est que tu as un problème, ou que tu es en retard pour l'heure de ta mort, alors tu as couru en dépensant toutes tes tripes jusqu'à cet endroit. Tu n'as donc plus de souffle, plus d'air dans tes poumons. Ce n'est pas bon signe si tu souhaites mourir. Prépare toi bien. Je t'explique comment faire. Moi, j'adore ça, et je suis toujours dans les règles. Tu peux tout d'abord, si tu choisis de mourir dans un cimetière et tout particulièrement celui du Père Lachaise, mourir près de personnes qui te sont chaire (si tu as vu le jeu de mots, tu fais désormais parti de mes plus humbles amis), comme Chopin, si tu aimes Chopin, Jim Morrison, si tu aimes Jim Morrison, Edith Piaf, si tu aimes Edith Piaf, ou encore Mano Solo en plus récent. Il est fort mignon et il a l'odeur de ses chansons. Alors choisi bien. Ne te laisse pas abattre par la grisaille de la vie, tu trouveras bien où mourir et dans quelles circonstances. Comment mourir ? L'idéal serait de ne pas utiliser d'outils pour ne pas effacer la pureté que tu as sur les mains. Les mains comme outil serais parfait mais malheureusement impossible. Tu as un réflexe de survie que tu ne peut chasser. Alors prend ce que tu as sous la main, n'importe quoi, une corde, un pistolet, un sac plastique, un ciseau. Si tu ne trouves pas de tels objets emmène en, le mieux serais une corde, pour te pendre ou bien t'étrangler, on peut tout faire avec une corde. Un ciseau n'est pas encombrant, peux ce transporter dans une poche et c'est l'objet le plus discret. Munis toi d'une paire de ciseau si tu en as une et taille toi les veines, juste à côté de ton cher ami Mano Solo ou de Chopin. Comme tu le désires. Si tu as un flingue, tu peux faire n'importe quoi, et plus particulièrement mourir d'un seul coup, en te brisant le cœur. Mais un flingue n'est pas l'objet le plus courant, ou alors il faut chercher, si tu n'est pas expert tu ne peux donc pas. Un flingue, il faut le cacher, un flingue c'est dangereux, alors qu'autre chose comme une corde ou un ciseau, ça ne coûte rien. Un sac plastique, tu peux le mettre sur la tête puis t'étouffer, il suffit de ne pas laisser passer d'air. Alors choisi bien. Tu verras, tu ne seras pas déçu. Bienvenu de l'autre côté.